Architecte d’intérieur ou décorateur : choisissez le bon interlocuteur
L’architecture d’intérieure et la décoration sont deux éléments qui doivent se suivre. Le premier restructure l’espace, en agissant sur les volumes et les circulations – quitte à déplacer des cloisons et des murs – tandis que la décoration ne s’intéresse qu’à la beauté d’un lieu fini. L’architecte d’intérieur adopte une approche plus holistique, en modifiant l’ergonomie des lieux, en plus de leur aspect esthétique. Tout dépend, donc, de votre besoin…
Trouvez votre architecte d’intérieur
Le meilleur moyen reste le bouche à oreille : lorsque vous vous trouvez dans un lieu qui vous plait et dont le contexte vous semble transposable à votre établissement, n’hésitez-pas à vous renseigner pour savoir qui l’a conçu ! Vous pouvez également effectuer des recherches dans la presse spécialisée, via les syndicats professionnels ou – tout simplement – par Internet.
Privilégiez la fonctionnalité
La restructuration d’un lieu public doit être abordée avec un minimum de recul. Il ne s’agit pas de satisfaire aux seules envies de la direction ou des actionnaires, mais bien de créer un lieu optimisé pour les clients, qui fréquentent l’établissement, mais aussi les employés, qui y travaillent quotidiennement. Si l’esthétique est importante, n’oubliez donc pas la fonctionnalité !
Passez en mode projet
Le plan est indispensable pour passer du mode idée au mode projet. Tout commence à partir d’un plan réalisé à l’échelle et ce n’est qu’une fois les choses mises sur papier que l’on saura si les idées conçues sont bel et bien réalisables. Une fois le projet défini et validé, l’architecte d’intérieur sera là pour gérer les différents corps d’état. Veillez toutefois à ce qu’il vous soumette différents appels d’offres : il se doit de faire jouer la concurrence !
Qu’un showroom d’architecte d’intérieur soit élégant et bien agencé n’est pas surprenant : cela fait partie des pré-requis du métier. Au terme de quatre à cinq années d’études, un professionnel digne de ce nom saura maîtriser les perspectives, les volumes et les profondeurs. Il saura également combiner les matières et assortir les couleurs. A l’image du peintre construisant sa toile par petites touches, l’architecte d’intérieur modèlera votre univers en puisant les objets qu’il vous faut, dans sa palette de fournisseurs.
Mais si toutes les maisons sérieuses ont le sens du goût et du détail, Philippe Parent a poussé la logique plus loin : au 45 rue de Bourgogne, tout est création, depuis la poignée de porte jusqu’au tissu des rideaux, en passant par les lampes, les canapés et les consoles ! Et le résultat est à l’image de l’homme : chic sans « m’as-tu-vu », original sans excentricité.
AQUARELLE TEXTILE : Comment la vocation d’architecte d’intérieur vous est-elle venue ?
PHILIPPE PARENT : En réalité, je suis né comme ça. À 7 ans, j’aménageais déjà les placards de la maison pour recevoir les copains. D’ailleurs, ma vie est un enfer parce que, dès que je rentre quelque part, je refais systématiquement les choses dans ma tête. C’est parfois insupportable, mais il n’y a que cela qui me passionne…
AT : Comment procédez-vous, lorsque vous avez un chantier ? Essayez-vous de retranscrire ce que veut le client ou bien avez-vous d’emblée vos propres idées ?
P.P : Je tiens compte des souhaits de mes clients mais j’ai mes propres idées. Je vais prendre l’exemple de l’Hôtel du Palais Bourbon, puisque ce sont les propriétaires de cet établissement qui vous ont amené à me connaître. Au départ, ils souhaitaient transposer mon univers au leur, en faisant quelque chose de chic et plutôt contemporain. Mais l’espace était complètement différent chez eux, avec des plafonds très hauts et des poutres. Je leur ai donc suggéré de faire un clin d’œil à l’époque du bâtiment. Et cela a ravi leur clientèle étrangère – notamment américaine – qui vient à Paris en espérant trouver des racines anciennes, qu’ils n’ont pas chez eux !
AT : Vous avez fait du médiéval ?…
P.P : Ce n’est pas vraiment du médiéval. Je me suis amusé à jouer un peu à Violet le Duc, en reconstituant un médiéval revisité, plus rigolo et moins austère. J’ai intégré des trophées familiaux et j’ai trouvé quelques tableaux amusants du 19ème siècle, qui sont faussement médiévaux. Tout comme les sièges du hall, que j’ai fait fabriquer sur mesure… (Mais j’ai un fournisseur qui est assez fou pour me suivre dans mes délires, quand je ne trouve pas ce qu’il me faut !)
AT : Tout cela doit revenir cher ? Peut-on dire que l’architecture d’intérieur demeure un luxe ?
P.P : C’est une économie à tout point de vue. En résidentiel, la valorisation du bien est une évidence, lorsque vous faîtes réaliser un bon travail d’architecture. Et pour ce qui est de l’hôtellerie, il n’est pas rare qu’un bon travail permette d’obtenir une étoile supplémentaire. Donc l’investissement s’amortit. En revanche, il m’arrive d’être appelé par des clients ayant essayé de faire les choses par eux-mêmes, et qui m’appellent à l’aide en bout de chantier. Mais alors il est trop tard : le budget est à moitié consommé et l’argent dépensé est parti en pure perte…
AT : En parlant d’hôtellerie, pourquoi les grands hôtels se renouvellent-ils tous les 3 à 5 ans ? (En ce moment, tous les palaces parisiens sont fermés pour rénovation…)
P.P : Mon avis est que certains hôtels veulent de l’esbroufe, de la mode, pour faire de la pub dans les journaux. Donc tout est à refaire, dès lors qu’on change de mode… Moi, j’aime bien que les choses durent : si le concept est bon, il n’a pas besoin d’être sans cesse revisité. Mais dans les hôtels, il y a une autre problématique, car les choses s’usent à une vitesse incroyable. Je ne suis donc pas contre un minimum d’évolutions, mais il faut éviter les effets de mode…
AT : D’autant que, dans l’hôtellerie comme ailleurs, les budgets sont de plus en plus serrés ?
P.P : Les grands hôtels ont un budget au mètre carré. Ils appliquent un ratio et le projet doit rentrer dans cette enveloppe. Contrairement à ce que l’on pense, les budgets sont proportionnellement beaucoup plus importants dans les petits hôtels privés que dans les palaces. Dans le premier cas, les propriétaires sont attachés aux lieux et ils veulent se faire plaisir, tandis que dans le second, la rentabilité prédomine.
AT : Pour finir, quels conseils donneriez-vous à un néophyte souhaitant mener à bien un projet d’architecture d’intérieur ?
P.P : Le premier conseil que je donnerais serait de bien choisir son intervenant. Il faut qu’il y ait une bonne entente entre les deux parties. Également, de ne pas tout focaliser sur l’aspect esthétique des lieux, car la fonctionnalité est tout aussi importante. Enfin, d’avoir une certaine souplesse d’esprit : le véritable travail ne commence qu’une fois que l’on a couché des hypothèses sur plan, et cela nécessite parfois de revoir sa copie.
Philippe Parent est diplômé de l’école Boulle. En 1978, il créé à Paris son agence d’architecture d’intérieur ; ainsi, il met son expérience au service de l’harmonie et du bien-être avec un goût prononcé pour le luxe. Parallèlement, Philippe Parent a édité des meubles, objets, textiles et luminaires.
Interview réalisée par Hicham SLIMI, Rédacteur en Chef de la revue AQUARELLE magazine, le magazine d’AQUERELLE TEXTILE