C’est sous Louis XV que l’expression de l’art de vivre prend une autre tournure. Les femmes se piquent d’esprit et veillent au confort de leurs invités. Ainsi nait la « salle de compagnie », ancêtre du salon, où la bergère caractérisée par ses courbes invite à une autre convivialité.
A la mort de Louis XIV en 1715, on tourne la page du cérémonial Grand Siècle en quittant Versailles. Louis XV est alors élevé au Palais des Tuileries et Paris retrouve ainsi sa place de capitale du goût, de la mode et des fêtes. Les architectes de l’époque réorganisent la structure des habitations. Aux grandes surfaces en enfilades, on préfère de plus petites pièces de réception entrecoupées de passages et corridors qui visent à faciliter la circulation. Chaque pièce relève d’une fonction (salon, salle à manger, bureau) tout comme les appartements privés se découpent en chambres à coucher et dégagements divers faisant office de garde-robes, alcôves, boudoirs et cabinets de toilettes. L’apparat cède donc la place à la « commodité » qui se caractérise par l’usage et le confort. C’est dans la catégorie des sièges qu’apparaît le plus de nouveautés. Plus mobiles pour certains, ils ne s’alignent plus le long des murs mais s’organisent autour des convives. Et plus spacieux pour d’autres, avec des assises plus larges et des accotoirs plus en arrière, ils se plient à la mode féminine pour accueillir les robes à paniers de l’époque. C’est le cas du fauteuil « à la reine » créé sous la Régence en hommage à Marie Leszczynska et de la bergère qui apparaît un peu plus tard vers 1725. Confinée dans un premier temps à la sphère de l’intime (chambre ou boudoir) car héritée du fauteuil à oreilles (ou en confessionnal) du XVIIème siècle, la bergère invite au repos. Elle ne cessera d’évoluer jusqu’au XIXème pour s’ouvrir à d’autres territoires de la maison.
La bergère dans tous ses états
Il n’y a pas de source qui définisse précisément l’origine de son appellation. Il semblerait donc que le nom de « bergère » fasse référence aux tapisseries aux scènes bucoliques de bergers très en vogue en ce début du XVIIIème siècle dont les sièges étaient recouverts. La bergère reprend les formes et les ornementations des sièges de la période Louis XIV. Cependant, elle s’allège et évolue vers un dossier concave dont la courbe féminine ajoute à son confort. Il s’agit à proprement dit d’un vaste fauteuil bas très enveloppant à joues pleines ou fermées, c’est à dire sans vide entre les accotoirs et la ceinture. Ce siège profond à flancs rembourrés est garni d’un gros coussin amovible qui ajoute à son confort. Ses accotoirs sont reculés pour faciliter l’assise avec les robes à panier de l’époque et ainsi éviter de les froisser. Pieds et traverses se travaillent avec de fines moulures et des sculptures asymétriques qui évolueront de façon plus fantaisiste avec le style rocaille. La bergère se décline au fil du temps dans différents modèles. La bergère Marie-Antoinette affiche un dossier légèrement incurvé qui s’arrondit encore plus pour la bergère à gondole. La bergère à lambrequin épouse un dossier en forme de crosse débordante tandis que la bergère montgolfière ou Pompadour voit ses accotoirs recourbés. Celle en confessionnal ou à orillons est la seule qui soit munie d’oreilles.
Et aujourd’hui !
De toute évidence, la bergère est un meuble qui se transmet ou s’acquiert par goût dans les brocantes, salles de vente, magasins d’antiquités. Dans cet héritage, on lui reconnaît une valeur affective mais aussi patrimoniale qui incite à sa réfection. Ses courbes galbées sous Louis XV sont appuyées par une cuvette dont le but est de retenir le gros coussin. Sous Louis XVI, ses formes deviennent plus droites abhorrant des garnitures d’aspect plus ferme aux contours mieux définis. Forte de cette évolution, la bergère se rénove tout aussi bien avec un garnissage traditionnel (sanglage, ressorts, crin, toiles…) qu’avec des mousses. Son confort et sa durée de vie dépendent dès lors de la qualité des mousses, à choisir « de haute densité » ou de type « Bultex ». En règle générale, mieux vaut refaire à l’identique (en crin animal) un fauteuil d’époque de bonne qualité, vous lui assurerez une durée de vie supérieure. Par contre, s’il est de qualité moyenne, l’option mousse tout aussi louable s’avère moins onéreuse en termes de façon. Côté tissus, le style vous appartient mais dans la mouvance actuelle, rien de plus chic qu’un meuble d’époque décalé avec l’esthétique d’un tissu contemporain. Bien sûr, il n’y a là aucun parti-pris, seule votre émotion reste votre meilleur guide !